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La mutabilité des régimes matrimoniaux en droit international de la famille

Le 10 février 2025
La mutabilité des régimes matrimoniaux en droit international de la famille
La mutabilité du régime matrimonial en droit international permet aux époux d'adapter leur régime aux évolutions de leur vie. Entre mutabilité automatique et mutabilité volontaire ce changement implique des défis liés à la reconnaissance internationale.

Dans le cadre du droit international de la famille, la question de la mutabilité du régime matrimonial revêt une importance particulière pour les mariages internationaux. Les époux, de plus en plus mobiles, peuvent être amenés à résider dans divers États au cours de leur vie conjugale, notamment du fait de leurs nationalités différentes, entraînant des conséquences patrimoniales significatives.

Longtemps régi par le principe d'immutabilité, le régime matrimonial a connu une évolution visant à offrir davantage de souplesse et d'adaptation aux besoins des couples, y compris lorsque ceux-ci envisagent un divorce ou souhaitent protéger leur patrimoine.

En droit interne français, le principe d'immutabilité, consacré par l'ancien article 1395 du Code civil, a progressivement cédé la place à un principe de mutabilité contrôlée. La loi du 13 juillet 1965, puis la loi du 23 juin 2006 et enfin la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, ont successivement introduit des mécanismes permettant de changer ou de modifier le régime matrimonial, sous réserve de respecter certaines conditions et formalités protectrices, notamment à l'égard des tiers et des enfants.


Dans un contexte international, la mutabilité du régime matrimonial prend une dimension plus complexe, car elle implique un potentiel basculement d'une loi nationale à une autre, suivant les règles prévues par les conventions internationales et par le droit de l'Union européenne. Les couples en situation de mariages internationaux, qui disposent d'un patrimoine souvent dispersé, doivent ainsi veiller à anticiper les conséquences de ces changements législatifs.

A. Évolution historique du principe d'immutabilité vers la mutabilité
Le Code civil français, dans sa rédaction antérieure à 1965, interdisait tout changement de régime matrimonial après la célébration du mariage. Cette règle visait à renforcer la stabilité des relations patrimoniales et à sécuriser les niveaux. La loi du 13 juillet 1965 a toutefois marqué une rupture en permettant aux époux de changer de régime matrimonial après deux années de mariage, sous réserve d'une homologation judiciaire. Cette évolution a eu pour effet d'entamer la rigidité traditionnelle et de donner un cadre légal à la mutabilité, bien que fortement encadrée.


Par la suite, la loi du 23 juin 2006, et plus récemment la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, ont simplifié la procédure en supprimant l'exigence d'homologation judiciaire dans la plupart des cas, pourvu que l'intérêt de la famille soit préservé et que les droits des tiers soient garantis. Ce mouvement de libéralisation en droit interne français a trouvé son écho en droit international de la famille, notamment sous l'impulsion de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 et du Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 applicable aux régimes matrimoniaux des époux mariés ou ayant  désignés la loi applicable après le 29 janvier 2019.

B. Cadre international et enjeu des mariages internationaux


La mutabilité du régime matrimonial en droit international de la famille obéit, en principe, à deux grands mécanismes :

-la mutabilité automatique et la mutabilité volontaire.

La première se déclenche sans volonté expresse des époux, dès lors que certains critères objectifs (changement durable de résidence habituelle, convergence de nationalités ou établissement d'une résidence commune) sont remplis.

La seconde, en revanche, suppose un choix conscient des époux, formalisé par un acte spécifique, afin de désigner la loi applicable à leur régime matrimonial.

La Convention de La Haye du 14 mars 1978 a précisément instauré plusieurs hypothèses de mutabilité automatique, dont l'établissement d'une résidence habituelle commune dans un État pendant plus de dix ans. Le Règlement (UE) 2016/1103, quant à lui, autorise le choix, par les époux, de la loi de la nationalité ou de la résidence habituelle de l'un d'eux. Ce texte européen prévoit également un dispositif de reconnaissance et d'exécution des décisions rendues en matière de régimes matrimoniaux, afin de faciliter la circulation des couples et la gestion de leur patrimoine.

La présente étude se propose de détailler ces mécanismes de mutabilité, d'analyser les conditions de validité et de publicité inhérentes à chacun, ainsi que d'évaluer les conséquences de ces changements en cas de divorce, de décès ou de liquidation du patrimoine commun.


II. La mutabilité automatique du régime matrimonial


La mutabilité automatique est une modalité de changement de loi applicable qui se réalise de plein droit, sans nécessité d'intervention préalable des époux. Elle se fonde sur l'idée selon laquelle la loi la plus étroitement liée à la situation réelle des époux doit régir leur régime matrimonial à un moment donné. Lorsqu'un événement précis survient (nouvelle résidence habituelle commune, longue durée de résidence, nationalité commune nouvellement acquise), la loi applicable peut basculer vers celle du pays en cause.

A. Principes et fondements en droit international de la famille


La Convention de La Haye du 14 mars 1978 prévoit, à son article 7, trois hypothèses de mutabilité automatique :

  1. Les époux fixent leur résidence habituelle dans un État dont ils  ont tous deux la nationalité
  2. Les époux résident pendant plus de dix ans dans un même État.
  3. Les époux acquièrent une résidence habituelle commune dans un État, alors qu'ils étaient auparavant soumis à la loi de leur nationalité commune (faute de résidence commune initiale)

Dans chaque cas, le changement de loi applicable au régime matrimonial ne produit d'effet que pour l'avenir, sauf volonté contraire des époux exprimés dans les formes légales, et sauf atteinte aux droits des tiers.

Ainsi, les biens acquis avant la survenance de l'événement déclencheur de la mutabilité restent régis par l'ancienne loi, tandis que ceux acquis ultérieurement sont soumis à la loi nouvelle.

B. Durée de résidence et incidence pratique


L'un des critères centraux de la mutabilité automatique réside dans la durée de résidence habituelle commune, fixée à dix ans par la Convention de La Haye.

Ce seuil temporel vise à éviter les changements de loi trop fréquents, qui compromettraient la sécurité juridique du patrimoine.

Les époux bénéficient ainsi d'une certaine stabilité, tout en reconnaissant que, passé ce délai, il peut être légitime de soumettre leur régime matrimonial à la loi de l'État dans lequel ils se sont durablement installés.

Dans la pratique, ce dispositif peut engendrer des difficultés de preuve s'agissant de la date effective d'établissement de la résidence habituelle. Des contentieux naissent fréquemment lors d'un divorce, lorsque l'un des époux conteste la survie automatique d'un changement de régime matrimonial, arguant que le délai de dix ans n'a pas été atteint ou que la résidence en question n'avait pas un caractère habituel.

C. Problèmes liés à l'ignorance des époux


La mutabilité automatique peut prendre les époux au dépourvu dans les mariages internationaux. En effet, certains couples ignorent totalement qu'en résidant durablement à l'étranger, ils peuvent voir leur régime matrimonial évoluer sans qu'ils prennent de décision formelle. Le risque est d'autant plus élevé lorsque les époux se marient dans un État, possèdent la nationalité d'un deuxième État et s'installent durablement dans un troisième.

Cette situation de « déplacement » du centre de vie familiale entraîne souvent un changement automatique de la loi applicable, susceptible de bouleverser leur organisation patrimoniale ou d'influencer sur les modalités d'un éventuel divorce.

Dans un arrêt du 12 avril 2012 (Cour de cassation, 1re chambre civile, n° 10-27.016), la haute juridiction a rappelé que le passage d'une loi à une autre, en application de la mutabilité automatique, ne saurait être rétroactif sauf accord exprès des époux.

Les biens acquis antérieurement au changement restent soumis à la première loi, ce qui peut conduire à une application en deux temps de règles différentes lors de la liquidation du patrimoine.


III. La mutabilité volontaire du régime matrimonial


À côté de la mutabilité automatique, la mutabilité volontaire permet aux époux de choisir, en cours de mariage, de changer la loi applicable à leur régime matrimonial. Cette possibilité, qui renforce la liberté contractuelle, constitue un mécanisme essentiel pour les couples désireux d'anticiper ou d'éviter une mutabilité automatique inopportune.

A. Fondements légaux et modalités pratiques


Le Règlement (UE) 2016/1103 du 24 juin 2016, applicable aux mariages internationaux à compter du 29 janvier 2019, consacre le principe selon lequel les époux peuvent désigner la loi de la nationalité de l'un d'eux ou celle de l'État où l'un d'eux a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de l'accord. Cette désignation peut être effectuée avant la célébration du mariage ou en cours d'union.

En l'absence d'une telle démarche, la loi applicable est déterminée de manière objective par les critères de rattachement prévus à l'article 26 de ce même règlement (première résidence habituelle commune après le mariage, nationalité commune, etc.).

La Convention de La Haye du 14 mars 1978 autorise elle aussi les époux à opter pour une loi précise, sous réserve que cette loi présente un lien suffisant avec leur situation (loi de la nationalité d'un des époux ou loi de la résidence habituelle). L'acte de désignation doit, dans la plupart des cas, revêtir la forme notariée ou toute forme requise par la loi de l'État où il est établi, pour en assurer l'efficacité et la publicité.

B. Conséquences rétroactives et non rétroactives


Le choix volontaire de la loi applicable peut s'accompagner d'une rétroactivité si les époux le souhaitent et si les droits des tiers ne s'y opposent pas. Il demeure toutefois possible pour eux de limiter l'effet du changement à l'avenir, de manière à ne pas perturber l'équilibre économique acquis au cours de leur mariage. Les ressources, de leur côté, doivent être informées afin de prévenir toute fraude ou toute tentative d'échapper à des dettes déjà contractées.

En droit français, l'article 1397 du Code civil prévoit un mécanisme de publicité dans un journal d'annonces légales, permettant aux piratages d'ancienne opposition dans les trois mois suivant la publication. Ce dispositif vise à préserver l'efficacité des créances et à dissuader les époux d'utiliser la mutabilité volontaire à des fins abusives.

C. Sécurisation du patrimoine et gestion du divorce


Le principal intérêt de la mutabilité volontaire pour les mariages internationaux réside dans la possibilité qu'elle offre aux époux de se mettre d'accord sur la loi la plus adaptée à leurs besoins. Par exemple, un couple marié dans un pays tiers, mais résidant durablement dans un État membre de l'Union européenne, pourra décider de soumettre son régime matrimonial à la loi de ce nouvel État afin de préparer au mieux un éventuel divorce ou d'organiser la gestion de leur patrimoine immobilier.

La mutabilité volontaire permet également de clarifier une situation compliquée par l'éventuelle mutabilité automatique. Les époux peuvent en effet éviter que leur régime matrimonial ne change à leur insu après dix ans de résidence dans un pays déterminé. Au lieu de subir ce basculement, ils suggèrent de maintenir la loi initiale ou au contraire d'anticiper le changement, dans le mais d'assurer une cohérence à long terme.


IV. Conditions, opposabilité et protection des niveaux


La mutabilité du régime matrimonial, qu'elle soit automatique ou volontaire, s'accompagne de conditions légales et de garanties procédurales visant à éviter toute atteinte disproportionnée aux droits des tiers, dont les créanciers et les enfants majeurs. Elle impose également un formalisme particulier pour assurer la validité et l'opposabilité du changement.

A. Formalités de publicité et de notification

En droit français, la modification du régime matrimonial (ou le changement de loi applicable en droit international de la famille) doit être constatée par un acte notarié, sauf exceptions très spécifiques. Les créanciers et les enfants majeurs sont préalablement informés de cette démarche, afin de leur permettre, le cas échéant, de s'y opposer. Si aucune opposition n'est formée dans le délai légal de trois mois, la mutabilité produit pleinement ses effets, à compter de la date indiquée dans l'acte ou selon les règles du droit international concerné.

Le Code civil (article 1397) précise que le notaire doit veiller à la publication du projet de modification du régime matrimonial, notamment par un avis dans un journal d'annonces légales.

En droit international, cette formalité doit s'articuler avec les règles propres à chaque État si les époux possèdent des biens situés à l'étranger ou si l'un d'eux relève de la nationalité d'un autre pays. Le Règlement (UE) 2016/1103 n'exclut pas la nécessité de telles publications, quelle que soit la mise en œuvre concrète peut varier selon l'État membre concerné.

B. Protection des créanciers et action paulienne


La protection des créanciers demeure un enjeu essentiel dans les mariages internationaux, surtout lorsque les époux modifient leur régime matrimonial pour protéger leur patrimoine contre des dettes. Les créanciers disposent non seulement de la faculté de faire opposition pendant le délai de publicité, mais également, en cas de fraude, de l'action paulienne. Cette action leur permet de contester, voire d'anéantir, les effets d'un changement de régime matrimonial qui interviendraient dans le but d'organiser l'insolvabilité d'un époux.

Ainsi, la jurisprudence française, à travers diverses décisions de la Cour de cassation, veille à ce qu'un changement de régime matrimonial ne puisse être utilisé comme un artifice au détriment des tiers. Les juges du fond examinent notamment dans le cadre d'un divorce, si la modification a eu pour finalité de soustraire des actifs aux déficits ou de diminuer les droits d'un enfant réservataire. Si une manœuvre frauduleuse est établie, le changement de régime peut être déclaré inopposable ou annulé pour fraude.

C. Cas particulier des enfants

Lorsque les enfants sont majeurs, ils peuvent, dans certains systèmes juridiques, s'opposer à la mutabilité du régime matrimonial s'ils estiment qu'elle lèse leurs droits dans une perspective successorale, ou qu'elle remet en cause l'équilibre familial.

En droit français, cette faculté demeure limitée : les enfants ne bénéficient pas toujours d'un droit d'opposition, sauf exceptions prévues par la loi en cas de démembrement de patrimoine ou de mise en péril de l'intérêt familial.

Le juge aux affaires familiales, s'il est saisi, apprécie la validité de l'opposition et vérifie l'absence d'atteinte excessive aux droits légitimes des enfants. Le principe demeure toutefois que les époux restent libres d'organiser leur régime matrimonial, sous réserve de respecter les formes et conditions légales, ainsi que les droits inaliénables reconnus aux enfants par la loi applicable.


V. Effets de la mutabilité sur le patrimoine et le divorce

La mutabilité du régime matrimonial, prévue notamment par l’article 1397 du Code civil, la Convention de La Haye du 14 mars 1978 et le Règlement (UE) 2016/1103, peut engendrer un fractionnement du patrimoine entre plusieurs lois successives, selon que les biens ont été acquis avant ou après le déclenchement du changement. Ce phénomène de scission est particulièrement visible lors d’un divorce ou d’une succession, lorsque l’autorité compétente doit déterminer quelles règles légales s’appliquent à chaque bien en fonction de la date d’acquisition et du régime successivement en vigueur.

A. Gestion des patrimoines successifs

En cas de mutabilité automatique, les biens achetés ou acquis avant que le changement ne survienne restent soumis à la loi d’origine. Autrement dit, on applique la loi qui s'appliquait avant que se produise le fait déclenchant la mutabilité (par exemple, avoir établi une résidence commune pendant 10 ans ou avoir acquis une nationalité commune), conformément aux critères fixés par la Convention de La Haye du 14 mars 1978, le Règlement (UE) 2016/1103 ou les règles internes applicables.

Les biens acquis après ce changement relèvent quant à eux de la nouvelle loi (celle qui commence à s’appliquer dès que la mutabilité prend effet). Cette distinction entraîne une complexité accrue lors de la liquidation du régime, car il est nécessaire de reconstituer l’historique des acquisitions et de vérifier les dates exactes de transfert de propriété. Les couples mobiles, qui ont pu séjourner successivement dans plusieurs États, risquent ainsi d’être soumis à une pluralité de lois, notamment si plusieurs mutations se sont succédé au fil du temps.

Cette complexité est encore plus marquée dans les mariages internationaux lorsque les époux possèdent des biens immobiliers dans différents pays. Le Règlement (UE) 2016/1103 énonce que les immeubles peuvent, dans certains cas, être soumis à la lex rei sitae (loi du lieu de situation du bien), ce qui peut conduire à un dépeçage du régime matrimonial et multiplier les procédures. D'où l'intérêt, parfois, pour les époux, d'utiliser à la mutabilité volontaire afin de désigner une loi unique et d'éviter l'application successives de multiples systèmes juridiques.

B. Conséquences en cas de divorce

Le divorce, au même titre qu'un décès, est un moment critique pour mesurer l'impact réel de la mutabilité. Le juge saisi doit déterminer la loi applicable aux effets patrimoniaux de l'union, ce qui peut inclure la vérification de l'existence d'une mutabilité automatique ou volontaire. En cas de contestation, la partie la plus lésée peut invoquer l'absence de notification préalable ou une violation des formes légales pour tenter de faire écarter le changement de régime matrimonial.

La jurisprudence offre plusieurs exemples où la Cour de cassation a confirmé l'existence d'une mutabilité automatique, imposant la liquidation du patrimoine selon deux séries de règles différentes (arrêt de la 1re chambre civile du 12 avril 2012, arrêt du 12 février 2014 ).

L'issue dépend souvent de la chronologie précise : à partir de quel moment la résidence habituelle commune a-t-elle été établie ?

Pendant combien de temps les époux ont-ils effectivement vécus dans l'État concerné ? Ces questions factuelles peuvent s'avérer déterminantes pour trancher le litige.

C. Sécurité juridique et anticipation

Compte tenu de ces difficultés, la sécurité juridique des régimes matrimoniaux des mariages internationaux peut être considérablement renforcée par une anticipation précoce.

Lorsqu’un couple projette de s’installer durablement à l’étranger, il doit d’abord vérifier si la durée de résidence envisagée peut entraîner une mutabilité automatique du régime matrimonial. Si tel est le cas, ou simplement pour se prémunir des incertitudes, les époux peuvent signer un accord de mutabilité volontaire afin de choisir explicitement la loi qui régira leur régime matrimonial et éviter ainsi tout conflit de lois.

En pratique, un acte notarié internationalement reconnu peut être établi, désignant la loi d'un État déterminé. Les époux peuvent également préciser le sort des biens acquis avant et après la modification, indiquant s'ils souhaitent ou non un effet rétroactif. Cette approche limite les litiges ultérieurs, tant en matière de divorce qu'au stade d'une succession.


VI. Tableau récapitulatif : délais et conditions de mutabilité


Le tableau ci-après joint synthétise les principaux critères de la mutabilité automatique et volontaire, ainsi que leurs délais et effets juridiques. Il se rapporte directement à la question du droit international de la famille, aux mariages internationaux, et met en évidence l'incidence sur le patrimoine et l'éventuel divorce :

Tableau récapitulatif des délais et conditions de mutabilité ( en pièce jointe ).

Ce tableau met en évidence la distinction entre les hypothèses de mutabilité automatique (résidence habituelle pendant dix ans ou convergence de résidence et de nationalité) et la mutabilité volontaire, qui ne nécessite pas de délai particulier mais qui suppose un accord exprès des époux.

Dans le cadre des mariages internationaux, il est capital de vérifier régulièrement si l'une de ces situations est remplie, surtout en présence d'un patrimoine important.


VII. Jurisprudences et illustrations pratiques


Plusieurs arrêts de la Cour de cassation, rendus en matière de régimes matrimoniaux internationaux, illustrent la mise en œuvre concrète de ces principes. Dans certains cas, la Cour a jugé que la loi d'un nouvel État de résidence devait s'appliquer automatiquement à compter de la date de réunion des conditions objectives, imposant ainsi une application séquentielle de deux lois différentes. Cette solution engendre parfois un démembrement complexe du patrimoine, nécessitant le recours à un expert ou à un notaire disposant de compétences en droit international.

L'arrêt du 12 avril 2012 (n° 10-27.016) a notamment mis en lumière l'importance de la non-rétroactivité : en l'espèce, des époux initialement soumis à la loi de l'État de New York se sont réinstallés en France, pays dont ils partageaient la nationalité, ce qui a entraîné l'application automatique du droit français au régime matrimonial pour l'avenir uniquement. Cette juxtaposition de deux lois a créé une dichotomie entre les biens acquis avant et après l'établissement de la résidence en France.

Dans un autre arrêt rendu le 12 février 2014 (n° 12-29.297), la Cour de cassation a confirmé le basculement automatique vers le droit français pour des époux turcs ayant établi leur résidence habituelle commune en France, dès que les conditions prévues par la Convention de La Haye étaient réunies. Là encore, le changement ne s'est pas appliqué rétroactivement, de sorte que les biens acquis précédemment en Turquie demeuraient régis par la loi initiale.

VIII. Conseils pratiques et perspectives d'évolution


La mutabilité du régime matrimonial en droit international de la famille nécessite une vigilance particulière de la part des époux et des professionnels du droit (avocats, notaires).

Plusieurs précautions méritent d'être soulignées :

-Les époux doivent d'abord s'informer sur la loi initialement applicable à leur mariage (nationalité commune, résidence habituelle au moment de la célébration, éventuel contrat de mariage).

-Ils doivent ensuite surveiller l'évolution de leur situation : déplacement prolongé à l'étranger, changement de nationalité, etc. Si une mutabilité automatique est susceptible de se produire, il peut être opportun de conclure un accord de mutabilité volontaire pour maîtriser pleinement le choix de la loi.


En pratique, un acte notarié permet de formaliser la désignation de la loi applicable, de préciser sa rétroactivité éventuelle et d'organiser les mesures de publicité nécessaires. Les créanciers et les enfants majeurs doivent être informés, conformément au mécanisme d'opposition établi dans l'intérêt des tiers. Cette démarche est particulièrement utile pour les couples disposant d'un patrimoine international diversifié, ou exerçant des activités susceptibles d'engager des personnes qui pourraient voir leurs intérêts compromis.

L'évolution législative et réglementaire se poursuit, notamment au niveau de l'Union européenne, pour harmoniser davantage les règles relatives aux régimes matrimoniaux et réduire les conflits de lois.

Le Règlement (UE) 2016/1103 constitue un pas significatif, mais il demeure des disparités entre les États membres, en particulier pour la publicité ou l'opposabilité des changements de régime matrimonial.

À l'avenir, une meilleure coordination des registres nationaux et des procédures de notification pourrait encore améliorer la sécurité juridique dans l'espace européen.

La mutabilité du régime matrimonial, tant en droit interne qu'en droit international, matérialise la volonté d'offrir de la souplesse aux époux tout en préservant la protection des tiers.

Dans le contexte particulier des mariages internationaux, cette souplesse se traduit par deux grandes voies : la mutabilité automatique, déclenche par des critères tels que la durée de résidence habituelle ou la convergence de nationalité, et la mutabilité volontaire, qui repose sur un accord explicite des époux pour changer la loi applicable.

Ces mécanismes, s'ils présentent des avantages indéniables, impliquent également une complexité accrue. Les époux peuvent être soumis aux régimes successifs, ce qui complique la liquidation du patrimoine en cas de divorce ou de décès. Les restrictions et les enfants majeurs doivent être protégés contre les abus, par l'intermédiaire de formalités de publicité et du droit d'opposition. En France, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 a assoupli les conditions requises pour la modification du régime matrimonial, mais maintient un formalisme destiné à préserver la transparence et la sécurité des transactions patrimoniales.

Ainsi, dans le domaine du droit international de la famille, la mutabilité du régime matrimonial apparaît comme un instrument de flexibilité et d'adaptation. Les mariages internationaux, de plus en plus fréquents, rendent cette question essentielle pour la gestion du patrimoine, la préparation d'un éventuel divorce et la protection des intérêts des patrimoines.

En définitive, la clé réside dans l'anticipation et l'information : les époux, en connaissance de cause, doivent être accompagnés dans le choix d'un régime matrimonial approprié et dans les démarches visant à rendre ce choix opposable à tous. Cette démarche évite toute incertitude et réduit les risques de contentieux, tout en assurant la stabilité et la cohérence de leurs rapports patrimoniaux à travers le temps et les frontières.

La modification d'un régime matrimonial dans un contexte international soulève des enjeux patrimoniaux et juridiques complexes. LMB Avocats met son expertise au service des époux pour sécuriser chaque étape de ce changement, en anticipant les risques et en assurant une reconnaissance adaptée à chaque situation.

N'hésitez pas à nous contacter pour que nous puissions utilement vous conseiller.