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Divorce et biens immobiliers internationaux : Comment protéger vos droits ?

Le 07 janvier 2025
Divorce et biens immobiliers internationaux :  Comment protéger vos droits ?
La possession des biens immobiliers à l'étranger complique souvent les divorces, en raison des différences juridiques et fiscales. Comprendre la mutabilité du régime matrimonial et anticiper les obligations déclaratives est nécessaire pour anticiper.

Le divorce est une épreuve qui peut devenir encore plus complexe lorsque des biens immobiliers situés à l’étranger entrent en jeu.

La pratique du droit international de la famille, discipline qui s’attache à régler les conflits de lois et de juridictions entre plusieurs systèmes juridiques, y joue un rôle central. La possession de biens situés à l'étranger soulève des problématiques uniques liées à la reconnaissance des décisions judiciaires, aux spécificités fiscales et à l’interprétation des règles locales.

Lorsqu’à cela s’ajoute un changement de pays par les époux au cours du mariage, l’impact sur leur régime matrimonial et leurs droits patrimoniaux peut devenir considérable.

Cet article explore en détail ces aspects complexes pour vous aider à protéger vos intérêts dans le cadre d'un divorce dans un contexte international.

I. Comprendre l’impact du changement de pays sur le régime matrimonial

1.1 La mutabilité du régime matrimonial dans un contexte international

Dans un mariage international impliquant des époux de nationalités différentes, par exemple un époux français et une épouse américaine, avec une résidence principale commune en Espagne, le changement de pays peut entraîner des conséquences inattendues sur le régime matrimonial. En vertu de l’article 7 du règlement européen n° 2016/1103, la loi applicable au régime matrimonial est, par défaut, celle du premier domicile commun des époux après le mariage, sauf choix explicite. Cependant, si les époux déménagent dans un pays ayant un système juridique différent, le régime applicable peut changer par effet de mutabilité, impactant non seulement les droits de chaque conjoint sur les biens, mais également les modalités de gestion des dettes, des donations entre époux, et des obligations financières communes. En vertu de l’article 8 du règlement européen n° 2016/1103, ce changement peut également influencer les conséquences fiscales liées à la dissolution du régime matrimonial, en particulier lorsque les époux sont régis par des règles incompatibles entre différents pays.

Exemple pratique : Un couple marié en France sous le régime de la communauté réduite aux acquêts s’installe aux États-Unis. Sans disposition contractuelle explicite, ils peuvent se retrouver soumis aux lois locales des États-Unis, où prévalent souvent des règles de "common law" qui diffèrent radicalement du droit français.

1.2 La formalisation du choix explicite de la loi applicable au régime matrimonial

Il est très important de noter que l’article 22 du règlement européen n° 2016/1103 stipule que les époux peuvent choisir explicitement la loi applicable à leur régime matrimonial, "Les époux peuvent convenir de soumettre leur régime matrimonial à la loi de l’État dont l’un d’eux possède la nationalité ou dans lequel l’un d’eux a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention ou au moment du choix de la loi applicable. Le choix doit être exprimé dans une convention matrimoniale ou dans un acte notarié postérieur, rédigé conformément aux formes requises par le droit de l’État désigné."

Cette clause de choix peut être incluse dans un contrat de mariage ou ajoutée ultérieurement par acte notarié. Il est préférable de formaliser ce choix au moment du mariage pour éviter tout flou juridique en cas de changement de résidence ou de pays. En outre, les époux doivent veiller à actualiser leur contrat lorsque leur situation patrimoniale ou leur lieu de résidence évolue, notamment pour anticiper les effets de la mutabilité prévue par l'article 7 du règlement européen n° 2016/1103. Cette mise à jour peut inclure des clauses spécifiques pour protéger les biens situés à l’étranger ou régler les conflits de lois en prévoyant des mécanismes d’arbitrage ou de compensation financière en cas de divorce.

II. Les biens immobiliers à l’étranger : enjeux juridiques et patrimoniaux

2.1 La lex rei sitae : la loi du lieu de situation du bien

Le principe de la lex rei sitae stipule que les biens immobiliers sont soumis à la loi du pays où ils sont situés. Cela signifie que, même si les époux sont soumis au droit français pour leur régime matrimonial, un bien situé en Espagne ou au Maroc sera régi par les lois locales.

Exemple : Si un bien situé à Marrakech est indivis entre les époux, les règles marocaines sur l’indivision prévaudront, même si les époux divorcent en France.

2.2 Les implications sur les régimes communautaires

En France, le régime communautaire présume que les biens acquis pendant le mariage sont communs. Toutefois, certains pays appliquent des régimes différents. Par exemple, en Allemagne, les biens restent propres sauf si un accord explicite stipule leur communauté.

Conseil : Pour les biens situés dans des pays ayant des règles différentes, envisagez de formaliser un accord précis sur leur gestion en cas de divorce. 

III. Reconnaissance internationale des décisions judiciaires

3.1 Les règlements européens

Les règlements Bruxelles II bis (n° 2201/2003) et Bruxelles II ter (n° 2019/1111) permettent une reconnaissance automatique des jugements de divorce et des régimes matrimoniaux dans les États membres de l’UE. Ces règles simplifient la procédure en permettant une reconnaissance automatique des jugements entre les États membres de l’Union européenne. Cela signifie qu’un jugement rendu dans un pays membre est exécutoire dans un autre, sans qu’il soit nécessaire d’entamer une procédure distincte. Ce dispositif favorise une harmonisation des pratiques judiciaires tout en réduisant les délais et les coûts pour les parties. Toutefois, les États membres conservent leur souveraineté en matière de règles de procédure, ce qui peut encore entraîner des divergences dans l’application concrète des jugements.

3.2 Les procédures d’exequatur

En l’absence de convention bilatérale, une procédure d’exequatur peut être nécessaire pour faire reconnaître une décision judiciaire à l’étranger. Cela implique souvent une traduction officielle des documents et une vérification de leur conformité avec la loi locale, notamment l'ordre public.

Cas pratique : Une décision française attribuant un bien situé à Marrakech à un époux devra faire l’objet d’une validation par un tribunal marocain. Cette procédure d’exequatur implique de présenter le jugement français, dûment traduit par un traducteur assermenté, au tribunal compétent au Maroc. Celui-ci vérifiera que la décision respecte l’ordre public marocain et les principes fondamentaux du droit local avant d’en autoriser l’exécution. Par exemple, si le jugement français inclut des dispositions contraires à la charia, celles-ci pourraient être rejetées ou modifiées par le tribunal marocain. Une fois validé, le jugement devient exécutoire au Maroc, permettant à l’époux bénéficiaire d’inscrire ses droits de propriété dans les registres fonciers locaux.

IV. Les obligations fiscales liées aux biens immobiliers à l’étranger

4.1 Les conventions fiscales bilatérales

Pour éviter la double imposition, la France a signé de nombreuses conventions fiscales bilatérales. Ces conventions précisent quel pays a le droit d’imposer les revenus locatifs ou les plus-values immobilières issus de biens situés à l’étranger.

Exemple : Un bien situé en Espagne sera imposé en Espagne pour ses revenus locatifs, mais devra également être déclaré en France. La convention franco-espagnole permet de bénéficier d’un crédit d’impôt pour éviter une double imposition.

4.2 Les obligations déclaratives en France

Les biens situés à l’étranger peuvent, sous certaines conditions, être soumis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en France, dès lors que la valeur nette du patrimoine immobilier excède 1,3 million d’euros. Ce seuil concerne la valeur totale des biens immobiliers détenus, après déduction des dettes contractées pour leur acquisition ou leur entretien, conformément à l’article 965 du Code général des impôts (CGI). Toutefois, seuls les biens immobiliers ou droits réels immobiliers possédés directement ou indirectement, et entrant dans le champ d’application de l’article 964 du Code général des impôts (CGI), sont concernés. Les placements financiers, tels que les actions ou obligations détenues dans des sociétés étrangères, sont exclus de l’IFI.

Par ailleurs, les conventions fiscales internationales signées par la France avec d'autres pays peuvent prévoir des aménagements pour éviter la double imposition et déterminer le pays de référence pour l’imposition. Il est donc nécessaire de consulter un fiscaliste pour évaluer précisément votre situation. Toute omission de déclaration peut entraîner des sanctions fiscales importantes, incluant des pénalités et des majorations d’impôts. 

V. Conseils pratiques : protéger vos intérêts

La mutabilité du régime matrimonial, souvent ignorée, peut devenir un piège pour de nombreux couples. En effet, beaucoup découvrent cet aspect complexe du droit matrimonial uniquement lors du divorce. Ce changement automatique de régime matrimonial, prévu par l’article 7 du règlement européen n° 2016/1103, intervient notamment en cas d’installation dans un autre pays appliquant des lois différentes. Il est alors fondamental de vérifier la loi applicable à votre régime matrimonial.

Si vous envisagez une installation à l’étranger, prenez contact avec un avocat spécialisé en droit international de la famille. Ce professionnel pourra vous conseiller sur les impacts juridiques de votre déménagement et vous guider dans les démarches nécessaires. Une fois ces conseils obtenus, il est souvent indispensable de consulter un notaire pour insérer une clause explicite dans votre contrat de mariage ou en établir un si nécessaire. Cette clause permettra de formaliser le choix de la loi applicable et de protéger vos droits en cas de divorce.

Ces étapes préventives, bien qu’elles puissent sembler contraignantes, sont essentielles pour éviter des complications juridiques ou financières à l’avenir.

5.1 Anticiper avec un inventaire précis

En outre, il est vivement conseillé de dresser  un inventaire complet de vos biens immobiliers à l’étranger, comprenant les titres de propriété, les évaluations récentes et les charges attachées à chaque bien. Cet inventaire sera essentiel pour les négociations ou les éventuelles procédures judiciaires.

5.2 Formaliser des accords précis

Dans le contexte d'un divorce international il est fondamental d'inclure des clauses précises dans les accords de divorce concernant la gestion et le partage des biens à l’étranger. Cela peut inclure l’attribution d’un bien à un époux ou la mise en place d’un mécanisme de compensation financière.

5.3 Faire appel à des experts locaux

La collaboration avec des avocats et experts fiscaux locaux permet de comprendre les spécificités juridiques et fiscales du pays où se situent les biens.

En conclusion il est constant que la gestion des biens immobiliers à l’étranger en cas de divorce est une démarche complexe nécessitant une planification minutieuse et une expertise juridique adaptée. Entre les régimes matrimoniaux, les lois locales et les conventions internationales, chaque situation exige une stratégie sur mesure.

Vous traversez une situation complexe impliquant des biens immobiliers à l’étranger ou des questions relatives à votre régime matrimonial ?

Le cabinet LMB Avocats met à votre disposition son expertise en droit international de la famille pour vous accompagner avec une approche personnalisée. Nous sommes à votre écoute pour éclairer vos options juridiques et vous guider dans la protection de vos intérêts. N’hésitez pas à nous contacter afin d'obtenir des conseils efficaces adaptés à votre situation.