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Divorce : Comment les juges évaluent la prestation compensatoire ?

Le 26 février 2025
Divorce : Comment les juges évaluent la prestation compensatoire ?
Pour que l'évaluation de la prestation compensatoire n'ait plus de secret pour vous, découvrez comment le juge la fixe, quels critères influencent son montant et sous quelles formes elle peut être versée. Capital, rente, révision ...

Le divorce est une réalité juridique et sociale qui touche des milliers de couples chaque année en France. En 2021, selon les chiffres du Ministère de la Justice, environ 106 000 divorces ont été prononcés.

Ce chiffre, bien qu’en baisse par rapport au pic de 2005 où l’on comptabilisait 155 000 divorces, reste significatif et met en évidence l’importance des dispositifs légaux visant à assurer une séparation équitable entre les époux. Parmi ces dispositifs, la prestation compensatoire occupe une place centrale, permettant de rééquilibrer les conséquences financières d’un divorce en fonction des disparités créées durant la vie conjugale et surtout engendrées par les conséquences du divorce.

En 2023, près de 19 % des divorces ont donné lieu à une prestation compensatoire, soit environ 23 800 cas sur 125 100.

Il est intéressant de noter que le versement d’un capital reste la modalité d'attribution privilégiée, représentant environ 90 % des cas, dont 70 % en un seul paiement et 30 % sous forme d’un échelonnement sur une période maximale de huit ans.

Ce dispositif vise à compenser la perte de niveau de vie que pourrait subir l’un des conjoints en raison de choix de vie effectués pendant le mariage, notamment en matière professionnelle et patrimoniale.

Il est à noter que la durée moyenne des mariages aboutissant à un divorce est de 15 ans. Cette donnée souligne l’importance d’une juste évaluation des critères permettant d’octroyer une prestation compensatoire adaptée aux besoins de chaque époux.

L’objectif du législateur est d’éviter que la séparation ne plonge un des conjoints dans la précarité et d’assurer un partage plus équilibré des ressources et patrimoines constitués durant la vie commune.

Dans cet article, nous allons examiner en détail les critères pris en compte par le juge pour l’évaluation de la prestation compensatoire, les différentes formes qu’elle peut prendre, ainsi que les possibilités de révision après le divorce.


1. Quels sont les critères légaux pris en compte par le juge pour évaluer la prestation compensatoire ?

Le juge évalue la prestation compensatoire en tenant compte des critères énoncés à l'article 271 du Code civil. Ces critères sont variés et permettent d'apprécier les disparités créées par la rupture du lien matrimonial. Parmi ces critères, on retrouve notamment :

- La durée du mariage : Un mariage de longue durée peut justifier une prestation compensatoire plus importante, car les conséquences de la rupture sont souvent plus marquées après plusieurs années de vie commune.
- L'âge et l'état de santé des époux : Si l'un des époux est en mauvaise santé ou avancé en âge, il peut être plus difficile pour lui de retrouver une autonomie financière.
- La qualification et la situation professionnelles des époux : Un époux ayant un faible niveau de qualification ou n'ayant pas exercé d'activité professionnelle durant le mariage peut se retrouver dans une situation difficile après la séparation.

- Les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux : Par exemple, si l'un des conjoints a mis entre parenthèses sa carrière pour s'occuper des enfants ou favoriser celle de son conjoint, cette situation sera prise en compte.
- Le patrimoine estimé ou prévisible des époux après la liquidation du régime matrimonial : Le juge examine ce que chaque époux possède en capital et en revenus après la liquidation du régime matrimonial.
- Les droits existants et prévisibles, notamment en matière de retraite : Si l'un des époux a peu de droits à la retraite en raison de choix de vie effectués durant le mariage, cela peut justifier l'octroi d'une prestation compensatoire.

2. Comment le juge évalue-t-il les besoins et les ressources des époux ?

L'objectif du juge est d'assurer un équilibre financier entre les ex-époux après la séparation. Pour cela, plusieurs éléments sont analysés :

- Les revenus actuels et futurs des époux : Le juge prend en compte les salaires, les pensions de retraite, les revenus locatifs, les allocations et autres sources de revenus. Il analyse également la stabilité et l’évolution prévisible de ces revenus dans le temps.
- Les charges des époux : Le magistrat évalue les obligations financières de chaque partie, telles que les remboursements de crédits, les loyers, les impôts, les frais de scolarité des enfants et autres dépenses incompressibles.
-L'âge et l'état de santé : L’état de santé est un critère essentiel, notamment si l’un des époux souffre d’une pathologie limitant son accès au travail ou augmentant ses dépenses de santé.
- Les droits à la retraite : Un époux qui a mis sa carrière entre parenthèses peut bénéficier d'une prestation compensatoire pour compenser la faiblesse de ses droits à pension. Le juge examine les droits prévisibles de chaque époux en tenant compte des cotisations et du nombre d’années travaillées.
- Le niveau de vie antérieur du couple : La prestation compensatoire vise à limiter une trop grande disparité avec le train de vie que les époux avaient en commun avant le divorce.

3. Quels sont les types de prestations compensatoires que le juge peut attribuer ?

Le juge dispose de plusieurs options pour fixer et attribuer  la prestation compensatoire :

- Un capital : Le capital peut être versé en une seule fois ou de manière échelonnée sur une durée maximale de huit ans. C’est la forme la plus courante.
- Un abandon de biens : L'époux débiteur peut transférer un bien immobilier ou mobilier à l'autre époux pour compenser la disparité financière. Ce mode de compensation peut concerner une résidence principale ou secondaire, des parts sociales ou des titres financiers.
- Une rente viagère : Ce mode de versement est exceptionnel et réservé aux cas où l'époux créancier ne peut subvenir à ses besoins en raison de son âge ou de son état de santé. La rente viagère peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de modification significative de la situation financière de l'un des ex-époux.
- Une combinaison de ces formes : Dans certains cas, le juge peut décider d’accorder une prestation compensatoire mixte, combinant capital et rente.

4. Dans quels cas le juge peut-il refuser d'accorder une prestation compensatoire ?

Le juge peut refuser d’accorder une prestation compensatoire si l’équité le commande. Les principaux motifs de refus sont :

- L'absence d’inégalités financières significatives : Si les ressources et le patrimoine des deux époux sont équilibrés après la séparation, aucune prestation compensatoire ne sera accordée. Le juge analyse non seulement le patrimoine des époux mais également leurs revenus mensuels et leur évolution prévisible.

Par exemple, si les deux ex-conjoints disposent d’un salaire équivalent et de sources de revenus similaires (immobiliers, placements financiers, héritages), il est peu probable qu’une prestation compensatoire soit accordée.

À l’inverse, si l’un des conjoints perçoit un revenu largement supérieur à celui de l’autre ou bénéficie d’un contrat à durée indéterminée tandis que l’autre se retrouve sans emploi ou en contrat précaire, une compensation peut être envisagée.
Un exemple concret illustre cette situation : un couple marié depuis 20 ans où l’épouse a interrompu sa carrière pour élever les enfants et s’occuper du foyer tandis que l’époux a progressé dans sa carrière et perçoit un revenu mensuel trois fois supérieur. Dans ce cas, même si le patrimoine de l’épouse au moment du divorce semble conséquent (grâce à la maison familiale par exemple), ses faibles perspectives de revenus futurs pourraient justifier une prestation compensatoire.

- Le divorce aux torts exclusifs : Dans certains cas, le juge peut refuser l’octroi d’une prestation compensatoire si l’époux demandeur est reconnu fautif et que les circonstances particulières de la rupture justifient une telle décision.

Par exemple, dans une affaire où un époux a été condamné pour violences conjugales graves, la Cour de cassation a validé le refus d’une prestation compensatoire en considérant que l’équité s’y opposait.

De même, lorsqu'un conjoint a dilapidé volontairement le patrimoine familial ou a abandonné sa famille sans soutien financier, les juges peuvent décider de ne pas accorder de prestation compensatoire.

Toutefois, il est important de souligner que la faute ne constitue pas un critère automatique de refus. Un époux peut être déclaré fautif sans pour autant être privé d’une compensation s’il est démontré que la disparité financière est importante et que son besoin demeure légitime. L'octroi de la prestation compensatoire à un époux n'est nullement conditionné à l'absence de faute.


- Une demande manifestement excessive : Si la demande de prestation compensatoire ne correspond pas aux critères légaux, le juge peut la rejeter. Cette situation survient lorsque l’époux demandeur réclame une somme disproportionnée par rapport à la situation financière de son ex-conjoint et aux principes d’équité fixés par l’article 271 du Code civil.


Par exemple, dans une affaire jugée récemment, une épouse demandait une prestation compensatoire de 500 000 euros alors que son mari percevait un revenu net annuel de 80 000 euros et devait déjà assumer le remboursement d’un prêt immobilier conséquent. Le juge a estimé que cette demande dépassait largement les capacités financières du débiteur et ne correspondait pas aux besoins réels de la demanderesse. En conséquence, la somme a été réduite à 80 000 euros, versée sous forme de capital échelonné.

Autre exemple : un époux, sans enfant à charge et disposant de compétences professionnelles lui permettant de retrouver un emploi stable, demandait une rente viagère alors que son ex-femme disposait d’un revenu stable mais inférieur. Le juge a refusé cette demande, considérant que la disparité de revenus ne justifiait pas une rente à vie et que l’intéressé pouvait retrouver une autonomie financière.

Ainsi, une demande manifestement excessive est généralement revue à la baisse ou rejetée si elle ne respecte pas le principe d’équité et d’équilibre des ressources entre les ex-conjoints.

- Les perspectives professionnelles du demandeur : Si l’époux créancier est en mesure de retrouver une autonomie financière rapide, la prestation compensatoire peut être refusée. Le juge prend en compte plusieurs facteurs pour évaluer cette autonomie financière potentielle, notamment le niveau d’études, l’expérience professionnelle, le marché de l’emploi dans le secteur concerné et l’état de santé du demandeur.


Par exemple, une épouse âgée de 40 ans, titulaire d’un diplôme de comptabilité et ayant interrompu sa carrière pendant dix ans pour élever ses enfants, pourrait voir sa prestation compensatoire accordée si son retour à l’emploi s’avère difficile en raison de l’évolution du marché du travail et du temps passé hors de l’activité professionnelle.

En revanche, un demandeur âgé de 35 ans, diplômé d’une école d’ingénieur et ayant déjà retrouvé un emploi avec un salaire correct au moment du divorce, pourrait se voir refuser une prestation compensatoire, car il est démontré qu’il peut subvenir à ses besoins rapidement.

Un autre cas illustratif concerne un époux ayant travaillé pendant vingt ans dans une entreprise avant d’arrêter temporairement pour suivre son conjoint à l’étranger. Si, au moment du divorce, il dispose d’un réseau professionnel actif et de solides perspectives d’embauche, le juge pourra considérer que sa situation lui permet de retrouver une stabilité financière dans un délai raisonnable et donc refuser la prestation compensatoire.

5. La prestation compensatoire peut-elle être révisée après le divorce ?

Oui, la prestation compensatoire peut être révisée dans certains cas. La révision est toutefois soumise à des conditions strictes et ne concerne pas toutes les formes de prestations compensatoires :

- Révision d’une rente viagère : Une rente peut être révisée, suspendue ou supprimée si un changement important intervient dans la situation financière des parties.

Par exemple, si l’époux débiteur perd son emploi ou subit une baisse importante de revenus, il peut demander une diminution de la rente.

A cet égard, il est important de souligner que pour demander la révision d’une prestation compensatoire, l’époux débiteur doit saisir le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire compétent et apporter la preuve d’un changement important de sa situation financière. Cela peut être une perte d’emploi, une diminution de revenus significative, des problèmes de santé l’empêchant de travailler ou toute autre évolution rendant le versement initialement prévu inéquitable. Le juge appréciera la demande en fonction des justificatifs fournis et de l’équité de la situation.


- Révision d’un capital échelonné : Si un capital a été fixé mais doit être versé en plusieurs échéances, le débiteur peut demander une modification du rythme des paiements en cas de changement de sa situation financière. Cela peut être accordé si l’échelonnement initial devient trop contraignant. La preuve tangible et documenté  des difficultés avancées, devra nécessairement être apportée devant le juge aux affaires familiales.


- Suppression d’une prestation excessive : Depuis la loi du 30 juin 2000, une rente viagère fixée avant cette date peut être révisée si elle procure un avantage manifestement excessif au créancier par rapport aux ressources du débiteur.


Exemple concret : Un ex-mari condamné à verser une rente viagère à son ex-femme subit un licenciement économique et voit ses revenus chuter de 60 %. Il peut saisir le juge pour demander une révision à la baisse, voire une suppression temporaire de la prestation.

À l’inverse, si l’époux créancier voit ses ressources augmenter de manière significative (par exemple, grâce à un héritage ou à un remariage qui améliore son niveau de vie), la rente peut également être ajustée à la baisse sur demande du débiteur devant le JAF.

En conclusion, il s'avère que la prestation compensatoire est un mécanisme essentiel pour assurer une séparation équitable et compenser les écarts de niveaux de vie qui peuvent résulter d’un divorce. En analysant minutieusement les critères définis par l’article 271 du Code civil, le juge s’efforce de garantir un rééquilibrage juste des conditions économiques des ex-époux.

Bien que la prestation compensatoire soit principalement attribuée sous forme de capital, d’autres modalités existent, notamment la rente viagère ou l’attribution de biens. Il est essentiel pour les époux de bien comprendre les enjeux financiers de leur séparation afin de défendre leurs intérêts devant le juge.

Enfin, la prestation compensatoire n’est pas figée dans le temps : elle peut être révisée en cas de changement significatif dans la situation financière des parties. Ce cadre juridique offre ainsi un outil de protection économique aux ex-époux et assure une continuité de justice sociale après la dissolution du mariage.

Pour toute question relative à la prestation compensatoire ou pour une assistance juridique personnalisée, n'hésitez pas à contacter le cabinet LMB Avocats à Paris, nous vous accompagnerons dans vos démarches et votre procédure de divorce avec rigueur et efficacité.